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L’art de masser judicieusement un coureur

6 juin 2022  |   écrit par Julien Pinsonneault  |

10 conseils pour la prise en charge de vos clients coureurs

Avec l’été qui sonne à nos portes, les adeptes de la course à pied recommencent, petit à petit, à sillonner les routes québécoises à la recherche de nouveaux défis. Que ce soit pour faire tomber un record personnel ou tout simplement laisser-aller leur trop-plein d’énergie, ces bibittes à deux pattes dévorent goulûment les kilomètres inscrits à leur menu. Ainsi, plusieurs d’entre eux se tourneront vers vous, chers massothérapeutes ! Ils profiteront d’un arrêt au puits bien mérité afin de remettre leur compteur de tensions à zéro. Eh oui, vous deviendrez rapidement une variable primordiale dans l’équation de leur pratique sportive.

Massothérapeute qui masse un coureur

Il n’est nullement question ici de vous exposer, encore une fois, les bienfaits du massage chez les sportifs. En effet, de multiples publications scientifiques en exposent déjà plusieurs vertus telles que :

  • L’amélioration de l’action mécanique des tissus ;
  • La diminution du tonus musculaire ;
  • L’amélioration de la respiration ;
  • L’amélioration de la circulation du système vasculaire.

Je compte plutôt vous partager quelques conseils afin de vous guider dans la prise en charge d’une telle clientèle. Ensuite, nous pourrons enrayer, une fois pour toutes, le fait qu’un massage thérapeutique ne rime pas forcément avec rudesse et douleur absolue ! En fait, il est tout simplement inconcevable de voir encore des athlètes récupérer de leur séance pendant plusieurs jours. Donc, prenez le temps de bien lacer vos souliers et laissez-vous guider par ces petites astuces cliniques.

Voici mon palmarès des 10 éléments incontournables pour une pratique avertie envers nos chers coureurs :

10. Respirer librement

Essayez de courir sans faire le plein usage de votre capacité respiratoire. À titre d’exemple, tentez de gonfler un ballon en caoutchouc dans un contenant rigide. Les parois viendront rapidement limiter l’amplitude potentielle du volume d’air que vous pourrez insuffler dans celui-ci. Considérant le fait qu’un coureur élite peut respirer près de 200 litres d’air par minute lors d’un effort maximal, il est crucial de porter une attention particulière aux tensions potentielles au niveau des muscles respiratoires. Je vous invite à utiliser des techniques qui ciblent notamment le diaphragme, les intercostaux externes et internes, les scalènes, les sterno-cléido-mastoïdiens, les dentelés postéro-supérieurs et postéro-inférieur, les grands dentelés, les grands pectoraux et les abdominaux. Mes manœuvres coup de cœur sont :

  • La technique de Mézière en isométrie[1] ;
  • La décongestion unilatérale du diaphragme avec ventouses fixes et glissées ;
  • Le déblocage en éventail.

Un coureur reçoit un soin de massage isométrie

9. La fameuse bandelette ilio-tibiale : être fort comme un bœuf

Dès maintenant, il faut mettre fin à l’acharnement du massage au coude sur la bandelette ilio-tibiale. En fait, il est plutôt préférable d’opter pour une approche indirecte par le relâchement des muscles qui interagissent avec celle-ci. Ainsi, le grand fessier, le tenseur du fascia lata, le moyen fessier et le vaste latéral du quadriceps deviendront vos meilleurs alliés pour libérer les forces de traction infligées à la bandelette.

D’ailleurs, il a été démontré qu’il faut déployer plus de 2000 livres de pression pour créer un changement de 1 % au niveau de la longueur de cette bande de tissu conjonctif (Chaudhry et al., 2008). Ouf ! C’est l’équivalent de demander à un bœuf de s’asseoir sur le côté de votre jambe.

8. L’acide lactique : Je suis en « acide » !

L’acide lactique et le lactate sont deux composés distincts trop souvent confondus. Ces deux éléments découlent de la glycolyse anaérobique. En fait, l’acide lactique n’existe que très brièvement, car il est dissocié de son ion H+ et est transformé en un sel que l’on appelle lactate. Ainsi, c’est plutôt l’accumulation de ce sel qui influe sur la performance des athlètes si sa clairance (c.-à-d. soit la capacité de l’organisme à éliminer une substance donnée d’un volume donné de plasma artériel par unité de temps) va au-delà des capacités à recycler ce dernier. En d’autres termes, c’est ce que l’on appelle le seuil anaérobique. Donc, prenez le temps de démystifier ce fléau qui persiste encore avec les années.

Après un entraînement, les athlètes ne peuvent pas être sur « l’acide lactique » pendant des jours, parce que le temps de demi-vie plasmatique est d’environ 10 minutes. C’est plutôt l’effet ressenti d’une douleur d’apparition différée issue d’un effort physique (c.-à-d. Delayed onset muscles soreness) qui reflète majoritairement leur inconfort. Le foie est l’organe central impliqué dans l’élimination du lactate. Bref, l’acide lactique n’est pas réellement un déchet, c’est un élément indispensable à la création d’énergie. Nous devons simplement faciliter le drainage musculaire en activant la circulation sanguine pour encourager une récupération optimale.

Un coureur banalise ses tensions au genou

7. Les membres supérieurs : contrebalancer le travail

Les coureurs ont tendance à banaliser les tensions qu’ils peuvent ressentir au niveau des membres supérieurs par rapport aux membres inférieurs. C’est pourquoi il est de notre devoir de leur faire comprendre que les bras servent de contre-balancier. Autrement dit, les membres supérieurs sont en quelque sorte le chef d’orchestre de leur cadence de course. Le fait de maintenir une flexion soutenue de leurs avant-bras contre la gravité, durant plusieurs kilomètres, amène bien évidemment une augmentation du tonus des fléchisseurs du coude. Par ailleurs, il n’est pas rare de constater chez eux une restriction musculaire lors de l’extension terminale du coude. Un petit truc, utilisez la gravité à votre avantage en leur suggérant des exercices pendulaires ou d’extension passive avec charge légère. L’option de techniques en isométrie serait tout aussi pertinente.

6. Les fessiers : oubliés par pudeur ?

Les muscles glutéaux sont l’une des pierres angulaires du succès d’un coureur. Certes, il peut s’avérer délicat de proposer d’emblée le travail de travailler cette zone. Cependant, omettre les fessiers revient à oublier de mettre des pentures à une porte lors de son installation. Ces muscles ont pour principales fonctions l’extension, l’abduction, la rotation externe et interne de la hanche. Le moyen et le petit fessier permettent la stabilisation du bassin en appui unipodal. Il va sans dire que le mécanisme de la course inflige d’importantes charges au corps. C’est pour cette raison qu’il est primordial d’incorporer le tout dans notre plan de séance.

Anatomie des muscles fessiers

5. Asymétriquement symétrique

Par le biais de leur terrain de jeu, les coureurs de piste et les amoureux du bitume font face à un stress mécanique asymétrique constant. Alors, il est possible d’anticiper une différence notable de tensions entre l’hémicorps intérieur et extérieur chez les adeptes d’athlétisme sur piste. De même que pour les coureurs sur route qui suivent le dénivelé constant de l’écoulement des pentes de rue pour les eaux pluviales. Je vous invite à considérer ce facteur clé dès votre anamnèse dans votre prise en charge.

4. Les fléchisseurs de hanche : être sur la corde raide

La pire des gaffes à faire est de relâcher complètement les fléchisseurs de la hanche chez la clientèle sportive. Ces muscles ont un besoin minimal de tensions pour que les coureurs puissent avoir un effet rebond intéressant lors de leur pratique. Trouvez le moment opportun avec l’athlète pour travailler ses fléchisseurs (par exemple l’ilio-psoas et le droit fémoral) selon son calendrier d’entraînement. Ainsi, vous n’hypothéquerez pas votre athlète en vue de sa prochaine compétition.

Anatomie fléchisseurs de la hanche

3. Les pieds : des ressorts capricieux

La voûte plantaire est une association harmonieuse de tous les éléments ostéo-articulaire, ligamentaire et musculaire du pied. Elle joue un rôle d’amortisseur lors de nos déplacements. Pour soulager les pieds, optez pour une alternance de pression positive et négative par l’usage des ventouses. Vous ne voulez surtout pas créer un excès de stress biomécanique avec vos mains ! Ciblez les muscles lombricaux du pied, le carré plantaire, l’adducteur et l’abducteur de l’hallux de même que les fléchisseurs et extenseurs des orteils. D’ailleurs, l’usage de la moxibustion est également un immense coup de cœur chez les coureurs.

2. Il suffit de fléchir pour assouplir

En d’autres mots, travailler le plus possible en raccourcissant la chaîne musculaire ciblée. Évitez de trop étirer les muscles. En effet, cela pourrait générer inutilement des microtraumas. En amenant un chevauchement des unités contractiles du muscle (c.-à-d. es sarcomères), vous diminuerez l’excitabilité des fibres et réduirez, par le fait même, le risque de crampes. Ce juste milieu relationnel de tension-longueur permettra d’effectuer un glissement des filaments au repos sur toute leur longueur sans pour autant y amener un risque d’élongation excentrique.

Massage à un sportif avec l'utilisation des pouces

1. Remisons nos coudes à l’égard des pouces

Chers collègues, faites-vous confiance et limitez l’usage excessif de la force auprès des coureurs. Opter pour la lenteur et le ressenti des fibres musculaires sous vos doigts. J’ai trop souvent vu des athlètes sortir de leur soin avec des ecchymoses et des douleurs post-séance qui perduraient pendant plusieurs jours. S’ils souhaitent courir leur millage de la semaine en vue d’atteindre leurs objectifs, travaillez de concert avec eux. Ça ne sert à rien d’y aller dans l’optique du No pain, no gain. Contrairement à plusieurs autres professions de la santé, nous pouvons prendre le temps d’y aller couche par couche. Par exemple, évitez de laisser l’empreinte de votre coude dans leurs fessiers. Façonnez plutôt les tensions telle une opale.

Finalement, il est dans votre intérêt de peaufiner votre approche pour permettre à ce type de clients de profiter de leur passion un kilomètre à la fois. Soyez judicieux dans vos choix de techniques et surtout, soyez à l’écoute de leurs besoins selon vos trouvailles cliniques.

 

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[1]  Jacques Patté et Patrick Sichère. (24 avril 2018). Le grand livre de la Méthode Mézières. Éditions EYROLLES

Chaudhry, H., Schleip, R., Ji, Z., Bukiet, B., Maney, M., & Findley, T. (2008). Three-dimensional mathematical model for deformation of human fasciae in manual therapy. The Journal of the American Osteopathic Association108(8), 379–390. https://doi.org/10.7556/jaoa.2008.108.8.379

Coulmy et al. (2002). Lactates : « mode d’emploi » (DTN info). Département sportif et scientifique de la F.F.S.

Jasmin, P-O. (2022). L’autoroute de la bandelette ilio-tibiale. Blogue Réseau des massothérapeutes professionnels du Québec.

Poortmans, J. (2012). Biochimie des activités physiques et sportives (2e édition). De Boeck.

Renberg, J., Nordrum Wiggen, Stranna Tvetene, P., Færevik, H., Van Beekvelt, M., & Roeleveld, K. (2020). Effect of working position and cold environment on muscle activation level and fatigue in the upper limb during manual work tasks. International Journal of Industrial Ergonomics, 80. https://doi.org/10.1016/j.ergon.2020.103035

Unglaub Silverthotn, D. et al. (2007). Physiologie humaine : Une approche intégrée (4e édition). Pearson.

Jason Karp, PH.D. (29 août 2006). Owner’s Manual: I Can’t Catch My Breath. Runner’s world. https://www.runnersworld.com/advanced/a20823493/owners-manual-i-cant-catch-my-breath/

 

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  Fier Maskoutain, ce passionné de l’anatomie est un adepte de la course à pied sous toutes ses formes. Son amour du sport et de la performance l’ont mené à développer, au fil du temps, une expertise clinique auprès des sports d’endurance. Julien est animé par les mille et un secrets que renferme la machine humaine. Ses multiples implications communautaires et professionnelles font de lui un acteur clé dans l’épanouissement ainsi que la valorisation de la massothérapie. C’est avec un regard inclusif et ancré sur les données probantes que ce thérapeute aux multiples chapeaux prendra plaisir à démystifier l’univers de la santé pour vous et vos clients. Bonne lecture!

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